samedi 15 novembre 2008

Arrivée dans le lieu. Le vieux projecteur à la main, un vieil écran à poignée dans l'autre avec son odeur reconnaissable entre toutes. L'odeur des documentaires pédagogiques du jeudi après-midi dans la classe de Mr Cecutti à Salomé.
La bobine est là, dans le fond de ma poche. Trente années de chemin pour arriver là. Revenir ici. Sur le stade même où elle fut exposée. Il y a trente ans, la lumière frappait le film d'un coté, inscrivant les images attrapées sur des petits rectangles de 8mm perforés.
Aujourd'hui la lumière va emporter l'image attrapée pour le lancer sur cet écran odorant. J'installe. Cale le film. Ca parle autour. Puis la première image. Silence...
Juste le bourdonnement du projecteur. Puis y'en a un qui se lance... "Hé r'garde les ballons qui z'avaient à l'époque!" "Ah je m'en souviens du mur autour... j'm'en rappelle comme si c'était hier..." "Hé! Ton daron y'est là!" "Ah ouais, c'ets mon daron... " Les joueurs s'agitent sur le terrain. Il y a trente ans. Le direct est loin. Direct droit ou gauche. Le film est muet mais les commentaires sont présents: "Allez! passe en avant!"
Après le film on en recause, on sort du stade, parle des maisons aperçues derrière le mur du stade, détruites aujourd'hui. "Moi j'me souviens bien, j'habitais là, j'allais dans la petite école coranique là, elle était dans une cave, là, au coin de la rue..." La main se tend vers une maison neuve. Postérieure.
"J'me souviens aussi quand ils ont refait le stade, y'avait un trou, un afaissement sans doute, alors ils ont comblé avec des vieux camions de CRS qui étaient là à côté, si on creuse on les retrouvera..."

Le vendredi suivant. Autre lieu. Même équipement. Juste à côté de la maison, Le Rétro, l'Ancien Billard Club de Wazemmes. D'autres gens. Et là, pareil, le doux brouhaha des conversations s'entremêlant et, aux premières images sur l'écran: le silence. Devant l'écran, autour du billard, deux hommes qui, tous deux, au même moment, vont faire le même geste: les premières images viennent d'éclairer de leurs couleurs saturées et eux, en même temps, s'appuient sur le billard, comme pour se tenir, se soutenir, comme si les images surgies du passé, chargées de mémoire, lourdes de souvenir, pesaient de tout leur poids, là, en eux. Un instant de vacillement. Et cette main, posée sur le billard, pour assurer l'équilibre, un instant bouleversé.

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